Passer quelques jours à Copenhague, c’est l’adopter. La capitale danoise cultive le beau et le bon au bénéfice de ses habitants et de ses hôtes. Il est difficile de résister à son charme nordique. Gastronomie, culture, design, tout y est réuni pour séduire le visiteur.

Après avoir posé nos valises à l’hôtel Ottilia, aménagé dans les anciennes brasseries Carlsberg, nous avons pris le métro pour nous rendre au cœur de la capitale danoise, Nyhavn, port de carte postale, avec ses quais bordés de façades colorées. Les terrasses des cafés et restaurants jettent leur nasse sur le flot des touristes. Nous y échappons pour rechercher une table plus authentique, l’Almanach. Aménagé le long de l’eau, dans un bâtiment aux allures maritimes (normal, une partie abrita une douane, l’autre la salle d’attente et la billetterie pour une compagnie de ferry), le restaurant a de quoi séduire les esthètes. Mais aussi les gourmands.


C’est l’occasion de goûter nos premiers smørrebrøds. Le concept est ultra simple: du pain garni sur le dessus de poisson, de viande, de légumes, de diverses garnitures. Mais ici cela prend une autre dimension… On atteint au sublime: le design danois s’étale dans l’assiette: sobre, beau, coloré. Et en bouche, c’est une explosion de saveurs. L’avantage du smørrebrød, c’est qu’on mange toujours à sa faim. On en commande, un, deux ou trois, et on recommande si l’on a envie. On sort de table rassasié mais pas trop.

L’après-midi, on baguenaude dans le quartier, arpentant surtout Strøget, la grande artère commerçante – vers Kongens Have on va vers le plus chic, en direction de la gare on file vers du plus cheap. Elle est réputée pour être la rue piétonne la plus longue d’Europe. Nous nous sommes arrêtés chez Illums Bolighus, temple du design scandinave à ne pas manquer: déco, vêtements, librairie, jeux, vaisselle… zéro faute de goût. A deux pas de là, nous avons, bien sûr, rendu visite à la Hay House, vaisseau amiral de la marque de design danois bien connue – nos chaises à la maison viennent de là.


Autre enseigne vedette de Strøget, le Royal Copenhagen Flagship Store. Le mot « royal » n’est pas usurpé, puisque cette fabrique de porcelaine a vraiment été royale, avant d’être privatisée en 1868. Plus de sang bleu, mais le bleu cobalt sur la vaisselle peinte à la main. C’est très beau, et assurément plus dispendieux que chez Ikea! Ce lèche-vitrine nous a laissé la gorge sèche. Nous nous désaltérons et reposons au café Norden, le beau café Art nouveau qui trône sur la place Amagertorv, au milieu de Strøget.


Le soir venu, alors que notre smartphone déclarait plus de 20.000 pas au compteur, nous avons joué la facilité en réservant une table au restaurant de l’hôtel. Grand bien nous a pris: le restaurant italien, Tramonto, s’avère excellent. Il propose une cuisine très soignée dans une déco design. Vitello Tonnato, soupe de topinambour à l’huile de cerfeuil, taglioni aux crevettes et à la bisque de homard, tournedos Rossini, sauce madère. On s’éloigne de la cuisine nordique, mais on est au nirvana. On mange excellemment bien à Copenhague, même italien!

Les joyaux de la Couronne et du design danois

Le matin du 2e jour, nous mettons le cap vers la station de métro Nørreport. Les halles gourmandes qui la jouxtent sont fort sympathiques. On succomberait à la gourmandise, si l’on n’avait déjà pris un petit déjeuner copieux à l’hôtel. Après un détour par le jardin botanique, joliment aménagé et romantique à souhait, on se mêle à la file des visiteurs au château de Rosenborg, ancienne résidence royale. Des soldats en faction ajoutent à la solennité des lieux. On peut y admirer de belles collections d’art et de mobilier. Le sous-sol abrite la salle des trésors, avec les joyaux de la Couronne exposés au public: sceptres, diadèmes, colliers, boucles d’oreilles sont sous bonne garde.

Sortis de Rosenborg Slot, nous flânons dans les anciens jardins devenus parc public, un havre de paix au cœur de Copenhague, où les citadins se prélassent, où des enfants font classe en plein air. Quel merveilleux espace vert! On s’attarde un peu à Kongens Have, profitant du soleil printanier, avant de rejoindre le musée du Design, une étape qui s’impose à Copenhague.


Le Designmuseum a été aménagé dans un ancien hôpital public, le Kongelig Frederiks Hospital, où Søren Kierkegaard s’est éteint. L’aménagement des lieux est très réussi, comme cette galerie tout droit sortie de 2001 Odyssée de l’espace, où les chaises emblématiques du design danois sont alignées au garde à vous.


A midi, plutôt que de retourner dans les halles gourmandes de Nørreport, comme nous l’avions projeté, nous préférons faire halte sur place. Le restaurant du musée est beaucoup plus qu’une cantine: Klint vaut le détour. La salle est très joliment installée, mais on préfère s’installer en terrasse, dans ce jardin de l’hôpital qui ressemble à un béguinage. On y déguste d’excellents smørrebrøds, tellement qu’on en recommande. Mais pas trop: un restaurant gastronomique nous attend le soir. A noter que le musée est en pleine rénovation en ce moment – réouverture prévue en juin 2022. Cela devrait être encore mieux!
Le musée est située dans la rue Bredgade, une artère le long de laquelle se sont installés de nombreux antiquaires. Les grands noms du design danois y sont à l’honneur. Mieux vaut avoir le portefeuille bien garni ou plutôt, comme nous, venir en avion: impossible dès lors de repartir avec ce magnifique buffet, avec cette paire de fauteuils ou ces sublimes luminaires. Parmi les belles enseignes figure Klassik, avec un très beau choix vintage.


L’après-midi, nous poursuivons notre promenade plus au nord. On aperçoit de loin la Petite Sirène – elle ne vaut vraiment pas le détour (son image de carte postale ne comprend pas le décor industriel, ni les hordes de touristes asiatiques). En revanche, la citadelle du Kastellet mérite une promenade le long de ses remparts. C’est une des forteresses les mieux conservées d’Europe. Des sentinelles débonnaires y croisent les promeneurs et les joggeurs. On y découvre un beau point de vue sur Copenhague et le détroit d’Øresund, avec la Suède au large.

On longe les quais qui mènent du Kastellet vers le sud, ce qui permet d’admirer au passage deux pépites architecturales: le superbe opéra dessiné par l’architecte Henning Larsen, dont la proue se mêle à celle des bateaux qui passent. Plus loin, toujours au bord de l’eau, le Diamant noir impressionne par ses lignes futuristes, son granit rehaussé de vitres sombres. Le bâtiment abrite la bibliothèque royale, la plus grande de Scandinavie.


A l’intérieur, c’est une vraie ruche! Les passant y croisent touristes et lecteurs. Sous le grand atrium de huit étages résonne quotidiennement, entre 13h et 13h03, un morceau du compositeur Wayne Siegel, chaque jour différent, généré par un algorithme. Il faut être à l’heure. En cette fin d’après-midi, beaucoup savourent le soleil devant le Diamant noir, au bord de l’eau. Nous goûtons aussi au plaisir des quais, regardant avec amusement ces petits bateaux qu’on loue pour l’apéro, où des convives trinquent déjà.
Les jardins de Tivoli et le char du soleil

Les jardins de Tivoli se voient de loin. Ce parc d’attraction est situé au cœur de la ville, à deux pas de la gare Centrale. Très ancien, il remonte à 1843 et est l’un des plus visités au monde. Quand on y entre, on est immédiatement séduit par son charme vintage, son authenticité. Tout est beau, de bon goût. Les parcs d’attraction ne sont pas vraiment notre tasse de thé et cela ne nous dit rien de monter dans ces montagnes russes et autres engins à vous secouer comme un prunier. Mais on prend plaisir à déambuler, à admirer les décors tantôt orientaux, tantôt comme sortis des contes d’Andersen. Walt Disney y aurait trouvé l’inspiration pour son Disneyland… A noter qu’un hôtel assez exotique jouxte les jardins – toute la façade nord du Nimb donne sur Tivoli, affichant son style mauresque.


Il y a moyen de manger et de boire aux jardins de Tivoli, mais nous avons fui la foule sans cesse grandissante et préféré essayer une adresse, où l’accueil est réputé assez… rude. Nous n’avons pas été déçus: c’était en effet sans façons! Mais c’est aussi ce qui fait son charme. Le Kanal Kafeen a tout du resto danois authentique. Peu de touristes, des locaux qui se retrouvent entre amis. On lève souvent le coude pour boire de l’aquavit. Nous avons coché un peu au hasard des plats à la carte, nous laissant gagner par l’atmosphère conviviale. C’est généreux et savoureux.


Nous avions choisi l’établissement pour sa proximité avec notre prochaine cible, le Musée national du Danemark, situé à une rue de là. Nationalmuseet décrit l’histoire du Danemark, petit royaume qui fut grand en Scandinavie. On n’en connaissait pas grand-chose, si ce n’est l’évocation des vikings, dont les pierres runiques séduisent par leur beauté mystérieuse. La pièce maîtresse du musée est assurément le char solaire de Trundholm, trésor remontant au 1er âge de Bronze. Le musée, en contant la petite histoire (ah! ces belles maisons de poupée) comme la grande, nous dévoile un pan de la culture européenne trop méconnu au sud.
Les pétards de Christiania et les étoiles de Kadeau

Pour notre 4e jour, il était temps de découvrir Nørrebro, le quartier le plus en vue du moment (du moins lors de notre visite – les modes changent vite). Jeune, multiculturel, très vivant, il propose des boutiques pointues et des cafés branchés, notamment dans laJægersborggade. C’est fort sympathique, comme le café Coffee Collective, toujours bondé. Mais c’est aussi très touristique – on y entend beaucoup parler français.

Au retour, nous passons par le cimetière Assistens, romantique à souhait. Cela ressemble plus à un parc joliment arboré: les tombes y sont disséminées parmi la végétation. Parmi elles, celles de Hans Christian Andersen et de Søren Kierkegaard.

La curiosité nous a poussés jusqu’à Christiania, le quartier libre des hippies et des dealers, comme les guides le résument sans doute un peu trop simplement. Le street art s’y exprime avec beaucoup de couleurs, mais l’ambiance au final s’avère assez pesante. Il est rappelé que l’on ne peut pas prendre de photos et des regards un rien suspicieux vous accompagnent quand vous déambulez parmi les échoppes de drogue – pas trop notre trip (nous sommes plutôt havane et whisky). Il n’y a heureusement pas que cela: des artisans proposent aussi leur production, mais on fait vite le tour. Ce quartier auto-géré a sans doute d’autres atouts, notamment culturels, mais il fait le gros dos aux touristes. Tant pis pour cette fois.


Changement de registre total, le soir venu: un repas gastronomique nous attendait à quelques centaines de mètres de là. Copenhague occupe une place en tête de la gastronomie mondiale, tirée notamment par la réputation du Noma, plusieurs fois sacré meilleur restaurant au monde. Nous avions opté pour un autre établissement, Kadeau, deux étoiles Michelin, dont la démarche nous séduisait davantage. Nicolai Nørregaard, son chef, possède deux établissements: la maison-mère sur l’île de Bornholm d’où il est originaire, et l’autre à Copenhague, où nous dînons. Nombre de produits proviennent de l’île de Bornholm. Nous cherchions précisément cette authenticité.

La table tient toutes ses promesses. L’établissement joue la discrétion côté rue: juste une plaque, une sonnette. On nous conduit à la salle côté cour. Le restaurant est tout petit, moins de dix tables. La déco – murs sombres et mobilier en bois clair – oscille entre Japon et Scandinavie. C’est sophistiqué, luxueux, mais sans exubérance. Dans ce cadre feutré, on se sent tout de suite bien: le service est attentif sans être trop présent.

Le minimalisme se retrouve dans l’assiette: une succession de plats défile sous nos yeux ébahis: kéfir, poire oxydée et feuille de figuier; chou-rave, cassis et sapin nobilis; tarte aux asperges vertes, au chou frisé et au jaune d’œuf; praire d’Islande, groseille blanche et fleur de cerisier; barbue et cidre de pomme; huître, feuille de fraise et cassis vert; saumon, tomate et feuilles de figue; calamars, lards et champignons; orge, fromage havgus et graisse de boeuf; choux brunis et caviar; Nexø Nigiri, pain de seigle et pickles; coquilles Saint-Jacques, raifort et chanvre; moule, betterave et pousses d’épinette; porc, potiron fermenté et poireaux; crème fraîche, baies et schnaps aux noix; betterave, coing et mûres. Ne surtout rien ajouter après, car tout ce qui a précédé est d’une justesse incroyable.
L’huître figure parmi les meilleurs plats que nous ayons pu savourer ensemble. Le mélange d’herbes, de feuille de fraise, de cassis vert nous traduit précisément l’esprit des lieux, un condensé d’excellence qui tient dans une coquille d’huîtres. C’est comme si nous dégustions l’île elle-même et avec elle une certaine idée de la cuisine nordique.
De l’art au Louisiana et du poisson aux abattoirs

Après une nuit réparatrice, Joli Voyage a pris le train pour s’éloigner un peu de la capitale, direction Humlebæk. On y trouve le Louisiana, musée d’art contemporain… qui se mérite (45 minutes de trajet) mais séduit sitôt les portes franchies. Le musée lui-même offre un formidable écrin aux œuvres présentées, avec un dédale de salles contemporaines serpentant dans la nature, avec de nombreux puits de lumière et de verdure.

La visite se prolonge au jardin, avec des sculptures et des installations très joliment mises en valeur. De très haute tenue. En plus de la collection permanente, près de 3.500 œuvres qui vont de Picasso à Roy Lichtenstein en passant par Andy Warhol, le musée propose des expositions temporaires fort réussies.


Une petite brasserie permet aux visiteurs du musée de se restaurer, mais nous avions repéré mieux. On a repris le train en direction de Copenhague pour nous arrêter, à mi-chemin, à Klampenborg, l’une des plages préférées des habitants de la capitale. Dans un petit bois, surgit comme sortie d’un conte d’Andersen une maisonnette rouge, le Red Cottage, restaurant réputé. Nous sommes arrivés quasi en fin de service mais avons été chaleureusement accueillis. Un menu de midi gastronomique nous a été servi, très raffiné, heureusement aussi très léger.
De retour dans la capitale, nous avons déambulé dans la Kompagnistræde, une parallèle à Stroget, la grande artère commerçante. Il faut toujours s’éloigner des sentiers battus, on y trouve des commerces plus pointus qu’ailleurs: concept-stores, galeries d’art, petits cafés sympas… C’est assurément un de nos spots préférés à Copenhague. Le soir, nous avons prévu de manger du poisson aux anciens abattoirs. Ce quartier de Kødbyen attire un monde fou. Si l’on n’y abat plus de bêtes, les anciens entrepôts sont restés le « ventre » de la ville. De nombreux restaurants s’y sont installés.


Dans cet ancien temple de la viande, Kødbyens Fiskebar est entièrement dédié aux poissons et fruits de mer. Le ton est donné dès que l’on franchit la porte d’entrée, avec une énorme colonne aquarium illuminée. C’est un restaurant sans façon où l’on vous apporte des crevettes grises à décortiquer en guise d’amuse-bouche. Poisson frit dans du papier journal, filets de sole délicatement cuits… Tout est ultra frais et bien préparé. Le design est industriel et le service un peu à la chaîne. C’est le succès d’une formule qui marche comme tout ce quartier très vivant, la nuit tombée.
Ottilia comme point de chute

Nous avions choisi l’hôtel Ottilia parce qu’il sortait du lot par sa situation et son concept. L’établissement a été aménagé dans l’ancienne brasserie Carlsberg, dans un quartier entièrement réaffecté. Le côté industriel donne une touche design fort réussie. Le district est un rien excentré, mais ce n’est pas plus mal: on peut se promener dans le beau parc Søndermarken qui le borde. Et la station du S-tog (le RER local) est à deux pas. On atteint en quelques minutes tous les points névralgiques de la capitale. Les transports en commun sont extrêmement bien organisés à Copenhague: rapides, propres, fréquents, efficaces – une carte journalière (City pass) permet de tout emprunter.


Excellent point pour l’hôtel, son restaurant Tramonto -–les petits déjeuners se prennent aussi sur le rooftop, avec de beaux points de vue sur les environs. Bémol: la déco design est superbe, mais l’aspect industriel peut parfois être un rien abrupte: remuant un peu trop dans son sommeil, l’un de nous s’est ouvert l’arcade sourcilière en cognant le coin de la table de chevet en béton. Déco chic, mais choc aussi!

Un dernier aquavit avant le départ

La monarchie danoise est l’une des plus anciennes au monde. Difficile d’y échapper à Copenhague: tous les jours, en fin de matinée, la garde royale défile dans le centre historique, avec tambours et fifres, pour rejoindre Amalienborg, résidence royale, soit quatre châteaux qui bordent une très jolie place ronde. Autre lieu de pouvoir, le château de Christiansborg, toujours occupé en partie par la famille royale. C’est aussi le siège du parlement et du chef du gouvernement. Son surnom? Borgen. Le nom et le décor rappelleront d’excellents souvenirs aux adeptes de la série éponyme!


La famille royale a laissé une autre curiosité: la Tour ronde. Rundetaarn a été construite en 1642 sur ordre du roi Christian IV. Objectif (c’est le cas de le dire): y créer le premier observatoire astronomique du pays. Ce n’est pas un escalier qui mène au sommet mais une rampe en spirale. Elle permettait au monarque de gravir la tour à dos de cheval. Une voiture y est montée pour la première fois en 1902. C’est à pied qu’on y grimpe généralement, bénéficiant au terme d’une modeste ascension, d’un beau point de vue sur la ville.


Nous avions réservé une valeur sûre pour nos dernières heures à Copenhague, un déjeuner dans une véritable institution: la brasserie Schønemann. Elle étale fièrement sa date de création en façade: 1877. On y sert de délicieux smørrebrøds et du hareng à toutes les sauces. Nous pouvions rentrer tranquilles, assurés d’avoir savouré une dernière fois avant de partir un résumé de la cuisine danoise.